L’année 2020 a touché à sa fin et l´on en est ravi. Et comme il convient de savoir regarder les choses du bon côté, voici un beau souvenir que l´on doit retenir de cette année.
Parue en pleine crise sanitaire, en automne, "Les Orageuses", la première fiction bouleversante de l´auteure franco-suisse Marcia Burnier, a exploré les terribles violences sexuelles, la solidarité féminine et le fait de mettre fin à l’impunité des violeurs – Ô combien exécrables ! – tout en nous ayant dépeint, au moyen d´une écriture tranchante, le portrait et les histoires de sept femmes fragilisées, voire brisées (celle de Lucie, Mia, Léo, Nina, Louise, Lila et Inès), des victimes de viol qui, à la suite d´avoir tissé des liens autour de leur insurmontable persistant traumatisme qui ne cesse de les hanter, décident de reprendre le contrôle de leur vie tout en se vengeant de leurs monstrueux violeurs, une issue qui leur permettra de sortir de ce fatal désarroi si foudroyant qui les terrasse sans répit. Autrement dit, un texte féministe féroce fortement percutant qui a sûrement secoué les esprits et pansé les plaies de ces vengeresses qui auront certainement joui de la liesse émanant de ce type de représailles, ayant réussi à semer la peur chez leurs abominables agresseurs, des monstres les ayant atrocement forcées, violentées, violées. Bref, un très très bel hommage aux femmes et aux victimes de viol de sorte à ce que leur cri vif de douleur désespéré puisse retentir où que l´on aille.
Et vous, en tant que femmes, qu´est-ce que vous seriez censées faire après avoir été violées ? Arriveriez-vous à faire quelque chose de sensé ?
Seriez-vous capables de faire partie de ce cercle de femmes en quête de leur propre justice beaucoup plus punissante après avoir subi de vilains honteux harcèlements, de brutes agressions, de déchirantes violences sexuelles?
La société se penche-t-elle suffisamment sur les victimes de viol dont la vie a brutalement chamboulé voire sombré dans la totale profondissime détresse agonisante et fort accablante ?
Un viol, est-il quelque chose qui pétrit et anéantit les vies à tout jamais?
Considérez-vous les peines judiciaires des agresseurs ou des violeurs insuffisantes ? D´après vous, le viol est-il un des crimes les plus mal punis ?
A savoir :
D´après l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) et l’enquête Cadre et de vie et sécurité (CVS)*, en France en 2019, 94 000 femmes majeures ont déclaré avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol.
Cependant, on a hélas constaté que 10 % des victimes de viol portent plainte et que 1 % des violeurs sont condamnés. D´effrayants chiffres fort alarmants !
Eh ben alors ! Qu´est-ce qui se passe pour 89% des autres viols supposés commis dont la plupart ne font pas l’objet d’une dénonciation?
Ceci dit, comment pourrait-on alors réconcilier les Français et les Françaises avec leur justice et leur redonner confiance en elle?
Note :
L'enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) 2020 devait être réalisée comme tous les ans sous la forme d'entretiens en face à face par des enquêteurs de l'Insee, mais du fait des mesures de distanciation sociale et de restriction des déplacements mises en place pour lutter contre la pandémie, l'Insee a été contraint d'interrompre ce type d'enquêtes. Par conséquent, l'enquête CVS ne pourra pas être conduite en 2020.
Pour finir, voici ci-dessous la première page assez brûlante de ce roman:
"Meuf, meuf, MEUF respire. Respire comme on t'a appris, ouvre ta cage thoracique, si allez, ouvre-la bien fort. Merde. Prends ton téléphone, allez, prends-le, arrête, mais ARRÊTE de trembler. Voilà, comme ça. Respire on a dit. T'arrête surtout pas de respirer. Regarde pas la traînée sur ton pull, regarde-la pas, on s'en fout si ça partira au lavage, au pire tu le jetteras, tu l'aimais même pas ce pull. Ton téléphone. Arrête de pleurer. Appelle. Rappelle. Rappelle encore une fois, elle t'en voudra pas. Tu vois elle décroche, elle est inquiète. Raconte-lui putain, t'appelles pas à cette heure-là pour savoir comment elle va. Crache. Parle-lui du couloir. Parle-lui de ses mains sales et de ton corps glacé. Explique-lui cette nuit de garde, les pas qui s'approchent, ton soupir, tant pis si c'est brouillon, écoute sa voix à l'autre bout du fil elle t'écoute, elle est totalement réveillée. Respire encore un peu. Ralentis. L'histoire est pas compliquée, rappelle-toi : il est venu à ton étage, cet étage à moitié vide, à l'heure où les gamines dorment toutes profondément. Il a discuté, c'est pas grave si tu te rappelles pas de quoi, probablement du dernier skinhead qu'il a tabassé, elle s'en fout tu vois bien. T'as soupiré, il t'agace depuis longtemps, tu le trouves inintéressant, presque stupide, tu l'évites toujours soigneusement. Tu ne te rappelles pas de quoi vous avez parlé, mais tu te rappelles qu'il a soudain essayé de t'embrasser, tu te rappelles ses mains qui serraient ton cou… [...]"
J´espère que cette espèce de démarrage du livre vous aura happés, captivés de façon à ce qu'il vous y ait fait germer l´envie de lire ce roman si saisissant.